Cinq semaines en Bolivie

Pour beaucoup, la Bolivie est l’objet de la dernière semaine d’un voyage au Pérou, au Chili ou en Argentine, pour certains c’est le pays le plus instable de la planète avec ses presque 200 coups d’état et l’apothéose du Che, pour d’autres la source de la pomme de terre et du quinoa, pour les plus insoumis, le graal de la fameuse alliance bolivarienne…

Objet de ce texte

Le but de ce texte n’est pas de remplacer les guides existants, mais de donner quelques indications rapides sur ce que nous avons vu.
De même l’ensemble de photos qui se trouvent dans la galerie jointe ne visent pas à concurrencer les photos des agences de voyages ou à constituer un best of des photos de ce voyage. Elles montrent et documentent ce que peut voir un touriste attentif, compte tenu des contraintes qui sont les siennes : météo, horaires…Elles vous donneront sans doute une idée plus exacte de ce que vous pourriez voir et quelques idées pour planifier votre voyage.

Galerie photo associée

Géographie

Lien vers carte en relief de la Bolivie

Avec 1.1millions de km2 soit 2 fois la France pour environ 11 millions d’habitants , au contact de cinq pays mais sans accès à la mer, la Bolivie est un pays à la diversité géographique extrême.
À l’ouest, le célèbre altiplano, entre 3500 et 4000 m d’altitude, comprenant les villes de La Paz et El Alto, enserré entre la cordillère occidentale qui le sépare du Chili et la cordillère orientale (nommée cordillère royale au nord, cordillère orientale ensuite puis cordillère centrale quand elle rejoint la cordillère orientale), toutes deux ponctuées de sommets dépassant les 6000 m.
Au milieu, du nord au sud, les Yungas et les vallées, souvent fertiles, entre 2000 et 3000 m d’altitude, contiennent quelques villes emblématiques, Sucre, Cochabamba, Tarija.
A l’est, des plaines de basse altitude (100 à 500 m) amazoniennes, tropicales humides au nord et au nord est, constituées de savane, de forêt, avec élevage et grandes cultures dans la région de Santa Cruz, constituées de savane sèche dans la zone du Chaco proche du Paraguay.
Administrativement, le pays est divisé en 9 départements, eux-mêmes subdivisés en 112 régions puis en 337 municipalités, elles-mêmes divisées en 1374 cantons encore divisés en sous-cantons et en localités.

Population

La Bolivie est un état plurinational composé principalement de 24% d’amérindiens Aymara (le peuple de Tiwanaku), 29% d’amérindiens Quechua (le peuple des Incas), 1.5% d’amérindiens Guaranis et Chiquitanos (peuples des basses terres), 30% de métis et 15% d’européens. Deux tiers vivent dans l’altiplano, un tiers dans le croissant est. En 2017, 70% de la population est urbaine.
La constitution de 2009 reconnait 37 langues officielles dont les principales sont l’Espagnol (67% de la population), le Quechua (16%) et l’Aymara (10%). La population est très majoritairement catholique (77%), protestante ou évangéliste (16%).

Histoire

Si l’Europe ne retient en général de l’histoire bolivienne précolombienne que les Incas, c’est une vue très inexacte.
Sans remonter aux premiers peuplements qui datent d’environ 30 000 à 40 000 ans et qui apparemment provenaient d’Amérique du Nord, la préhistoire de l’altiplano fut marquée par la brillante civilisation dite de Tiwanaku, (1500 av notre ère – 1200 après JC), originaire du lac Titicaca, dont l’empire dépassa les 600 000 km2 et qui disparut vers la fin du XIIe s, sans doute suite à une importante sécheresse. En dehors de quelques sites archéologiques, le monde lui doit principalement la sélection de multiples variétés de pomme de terre et de quinoa commencée plus de treize siècles avant notre ère.
Ce n’est que vers 1430 que les Incas conquirent l’altiplano avant d’en être chassés un siècle plus tard par la célèbre expédition espagnole de Pizarro qui profita de la guerre civile Inca pour s’emparer de la région. Contrairement à celle des Incas, la conquête espagnole s’étendit aux plaines de l’est.
La Bolivie, nommée alors Royale Audience de Charcas était rattachée à la vice-royauté espagnole du Haut Pérou, puis à partir de 1771 à celle du Rio de la Plata. La ville de Potosi fut créée en 1545 pour exploiter les fabuleuses mines d’argent qui firent une partie de la fortune de l’Europe (et le malheur de milliers de mineurs).
La Bolivie acquit son indépendance, de l’Espagne en 1825, et du Pérou en 1826, et Simon Bolivar bien sûr, en devint le premier président immédiatement suivi par le maréchal Sucre. La Bolivie était alors un pays riche et vaste.
Mais le siècle suivant fut difficile, de coup d’état en coup d’état, de la guerre contre le Chili (1879-1884) qui lui fit perdre le département d’Atacama et son accès à la mer, à la guerre du Chaco avec le Paraguay (1932-1935) qui lui fit perdre plus de 200 000 km2.
La suite ne fut pas non plus un fleuve tranquille : de tyrannie en révolution, de privatisation en nationalisation, d’hyperinflation en redressement, de mainmise des Etats Unis ou des « blancs » en révolte des « indigènes », la Bolivie connut tous les soubresauts de son temps.

La situation actuelle

En 2006 la Bolivie se donne le premier président amérindien (Aymara) de son histoire, Evo Morales. Il met en œuvre un programme socialiste appuyé par le Vénézuela, Cuba et le Nicaragua, prônant l’indigénisme, le rapatriement des profits pétroliers, gaziers et miniers, par étatisation des compagnies étrangères, la reconnaissance de la tradition liée à la feuille de coca, la suppression de l’influence des Etats Unis, la mise en place d’un vrai système de retraite, le développement de la santé et de l’éducation, une redistribution des terres sous-exploitées, une politique de différenciation positive au profit des hautes terres, la protection de la Terre Mère (Pachamama), une nouvelle constitution (2009) qui reconnait l’état plurinational, renforce les droits des indigènes, le rôle de l’état et sa laïcité. L’opposition de la partie est du pays reste forte et un referendum organisé en 2008 a donné 85% de voix pour son indépendance.
Des progrès indiscutables ont été réalisés dans le pays, tant en réduction des inégalités qu’en stabilité, reconnus par plusieurs organisations internationales. Mais la différence de plus en plus forte entre le programme et la réalité, la corruption endémique, l’autoritarisme croissant du pouvoir, son éloignement de l’indigénisme des débuts et la chute des cours de matières premières ont ravivé une agitation multiforme. Cependant, le fort sentiment identitaire du pays, le rôle prééminent des européens dans l’économie, la présence urbanistique considérable de la colonisation, le litige avec le Chili, permettent au président d’encourager un nationalisme visant à rassembler son peuple.
Evo Morales a été réélu en 2009 et 2014 mais il a perdu un referendum en 2016 qui l’aurait autorisé à se représenter pour un quatrième mandat. Il n’est pas certain qu’il se sente lié par ce résultat.
Bien que disposant de réserves considérables de gaz et de lithium, la Bolivie reste en 2013 le plus pauvre des états d’Amérique du Sud, 126e mondial pour le PIB/habitant à 2793 $, 121e pour le PIB/hab. à parité de pouvoir d’achat à 5928 $, (2 fois moins que le Pérou et 4 fois moins que le Chili, la France est à 40 538 $). Sur le plan des inégalités, elles ont fortement baissé depuis 2000 (indice de Gini de 63) jusqu’en 2011 (46) puis remontent depuis (48.4 en 2014). En 2015 la Bolivie est 124e mondial, avant dernier du continent devant l Guyana pour l’Indice de Développement Humain et 108e mondial pour l’espérance de vie qui y est de 70.7 années.
Lors de notre voyage 1 bolivario=0.13 €.

L’arrivée

À l’arrivée à l’aéroport Hiru Hiru de Santa Cruz, la fouille des bagages est faite par tirage au sort, mais si vous avez le malheur de cocher sur le formulaire de débarquement l’existence d’un objet dépassant 1000 $, la fouille est systématique, c’est juste embêtant pour le désordre qui en résulte.
La ville de Santa Cruz a connu une croissance incroyable et en arrive aujourd’hui à son huitième périphérique, concentrique des sept premiers, à plus de 8 km du centre-ville. Choisissez bien votre hôtel.
La deuxième chose qui frappe, c’est l’omniprésence d’Evo (Morales, le Président). Dès l’arrivée on voit, à l’écart de l’aéroport, le terminal présidentiel, puis partout sa photo, en président, en ouvrier, en agriculteur, en électricien, sur les affiches de toutes les fêtes et les restes de sa campagne pour le referendum, peints sur les murs, sont omniprésents. La personnalisation du pouvoir est une réalité.
La troisième chose qui frappe dans ce département de Santa Cruz, c’est le nombre important d’indiens des montagnes (les Chollas) qui vivent ici, sans d’ailleurs modifier en rien leur costume malgré la chaleur. La coexistence semble un peu rugueuse entre les « blancs » de la province et ceux qu’ils considèrent comme des envahisseurs et qui se considèrent plutôt comme les « vrais » boliviens.
Avec le décalage horaire, c’est facile de partir tôt le lendemain matin. Nous avions choisi de nous dégourdir les jambes au Jardin des Délices, dans le parc Amboro (environ 2h30 de route depuis Santa Cruz). C’est une très belle excursion qui permet au passage d’approcher le fonctionnement bolivien : le matin, un « chef » amène à notre hôtel un jeune « guide » qui ne parle qu’espagnol, dont nous n’entendrons pas la voix, et qui accompagnera notre propre guide. À l’entrée du parc un chauffeur et un autre guide nous prendront en charge et s’occuperont du pique-nique (et de 4 autres touristes qui empruntent le même véhicule). Au départ de la marche, nous serons pris en charge par un guide de la communauté qui effectuera la marche avec nous. Nous reverrons ce type de fonctionnement prolifique à plusieurs reprises.

Vers Samaipata et Sucre

125 km d’une très bonne route permettent d’arriver à Samaipata (1800 m) et de commencer à découvrir l’histoire pré-inca de la Bolivie sur le site d’El Fuerte. La route vers Sucre demande ensuite une journée et comprend une partie de piste entre La Palizada et Aiquile. C’est une route ignorée des touristes qui privilégient l’avion entre Santa Cruz et Sucre, mais qui réserve quelques belles surprises dont la réserve ornithologique des aras de Lafresnaye et le village de Saipina au royaume de la canne à sucre et de la tomate.

Sucre et les environs

C’est le moment de s’habituer au fait qu’en Bolivie la plupart des villes ou des provinces superposent différents noms de différentes époques. C’est bien entendu le cas de Sucre qui fut Charcas avant les espagnols, La Plata (on se demande bien pourquoi ?) jusqu’en 1776, Chuquisaca de 1776 à l’indépendance et Sucre depuis (du nom du maréchal héros de l’indépendance).
Pour le reste, Sucre est une très belle ville universitaire vivant aussi des innombrables juristes qui entourent la cour constitutionnelle. C’est le matin tôt et en fin d’après-midi que vous y verrez les plus belles lumières et approcherez au mieux l’ambiance de la ville. Les musées et monuments d’époque coloniale y sont nombreux et intéressants. Un très beau musée d’art indigène permet de comprendre les différents tissages boliviens, mais inexplicablement, la photo y est interdite.
Si vous avez une soirée, n’hésitez pas à faire un tour à l’Espace culturel Origenes pour y suivre un beau spectacle de danses boliviennes qu’une brochure plus à jour valoriserait mieux.
A une heure de route, Tarabuco offre le dimanche un magnifique marché indigène qui reste très authentique. Soyez-y tôt, les touristes n’arrivent qu’en fin de matinée. Mais attention pas plus les chalands que les marchands ne sont favorables à la photo. À quelques km de là, Candelaria offrira l’occasion de découvrir les techniques d’un tissage exceptionnel de finesse, réalisé de mémoire et sans modèle.
C’est l’un des premiers villages où vous constaterez de visu les investissements considérables faits par le pouvoir dans les villages indiens : écoles allant jusqu’au bac, gymnases, terrains de sport. Les investissements de l’US Aid sont antérieurs à l’arrivée d’Evo Morales au pouvoir. Le centre de santé a été construit par l’ONG Mano a Mano.
Une autre belle excursion à 30 km de Sucre mène par une belle route à la Chapelle de Chataquila (3650 m). De là, un sentier Inca restauré permet des vues grandioses sur les paysages environnants et l’excursion peut se poursuivre en voiture (ou en randonnée pour les plus courageux), vers le très étonnant « cratère de Maragua », ses paysages, ses villages et son activité de tissage.

Potosi

150 km d’une belle route vous feront grimper la cordillère de los Frailes pour arriver à Potosi (4100m) … à moins que comme nous, un bloqueo, de mineurs ou d’autres, ne vous barre la route. C’est une assez fréquente tradition bolivienne dont le principe est simple : deux barrages sur la route, à quelques centaines de mètres d’écart, les manifestants au milieu. Si vous êtes au volant de votre propre voiture, vous avez le choix entre attendre (plusieurs jours), prendre une déviation souvent immense, ou tenter avec quelques indigènes une rude piste de contournement. Dans d’autres cas, vous pouvez abandonner le véhicule qui vous a amené là, traverser à pied avec vos bagages, et trouver un autre véhicule de l’autre côté. Nous avons eu de la chance et l’agence a parfaitement géré le problème.
Vous savez tout de Potosi, son incroyable histoire, sa grandeur et ses drames du quotidien, son ahurissante « montagne riche », ses monuments poignants, sa dureté de grande ville la plus haute du monde. Mais la première chose qui frappe à l’arrivée, ce sont les pentes de ses rues, les escaliers de ses hôtels, la fumée de ses bus qui rendent la vie un peu essoufflante pour le touriste nouvellement arrivé. La deuxième c’est sa force et sa fureur de vivre. C’est aujourd’hui une ville minière, gérée par de multiples coopératives indépendantes de toute compagnie internationale, avec sa grandeur et ses drames, mais une ville dans laquelle sont revenus nombre de ceux qui ont tenté l’aventure ailleurs, parce que les revenus des mineurs sont élevés et que la fierté de l’indépendance ne s’abandonne pas comme ça. Quoi qu’on vous dise, si vous en avez le courage, visitez les mines, on en trouvera une adaptée à votre souplesse et les mineurs sont fiers de vous montrer leur courage (tout en étant un peu méprisants pour les descendants embourgeoisés de ceux qui ont exploité leurs ancêtres). Visitez les monuments qui content l’histoire de la ville, qui est aussi un peu votre histoire, et n’oubliez pas le peu visité couvent de Santa Teresa qui éloignait de la vie sociale les cadettes des grandes familles.
Si vous avez la chance d’être là au bon moment (fin août, dates variables), ne manquez pas les Ch’utillos, immense manifestation qui réunit religion, danse, fête, traditions, et monopolise toute la région pendant deux jours et deux nuits. Une fête qui, contrairement à d’autres ne rassemble que peu de touristes étrangers (2% des spectateurs lors de l’édition 2017).

En route vers le sud

Compte tenu du retard dû aux manifestations de mineurs, nous décidons d’aller vers Tupiza (2950 m, après 240 km de très bonne route) sans passer par Uyuni, pour faire le circuit du sud dans le sens des aiguilles d’une montre (inverse du « flot » principal de touristes).
La folle spéculation sur le quinoa, liée à l’engouement brutal des occidentaux pour cette graine, a fait la fortune de certains producteurs et la ruine de la population qui ne pouvait plus en acheter, mais le marketing ne s’intéresse guère à ce type de conséquences.
Après Tupiza, remontée rapide vers 4000 m pour atteindre l’altiplano. Les villages se font rarissimes, les paysages sont époustouflants, la lumière incroyable à cette altitude (penser aux lunettes de soleil) et le froid du matin glacial (entre -5° et -18° pour ce qui nous concerne, avec parfois un vent assez violent) qui gèle tout ce qui reste dans les voitures. Même dans des hébergements raisonnablement haut de gamme, la température des chambres ou des salles à manger flirte avec les 10°, parfois très peu au-dessus, parfois un peu en dessous. Le chauffeur est essentiel dans cette région, qui veille à passer aux bonnes heures dans chaque endroit, est responsable de la conduite des opérations dans les hébergements et doit être capable de se sortir d’affaire en toutes circonstances.
De temps à autres quelques mines, quelques rares fermes, quelques troupeaux d’autruches ou de vigognes, animaux sauvages dont la chasse est interdite, et quelques très rares voitures de touristes (une vingtaine dans la journée), quelques jours inoubliables en particulier dans le parc Eduardo Avaroa où nous descendons jusqu’à l’incroyable Laguna Verde.

Remontée vers le nord et le salar d’Uyuni

De la Laguna Verde au Salar d’Uyuni, le paysage est toujours aussi désertique qu’extraordinaire, les lagunes salées et colorées aussi nombreuses et les pistes entre inconsistantes et effroyables, sauf sur quelques tronçons malheureusement utilisés pour le «Dakar» !
L’arrivée sur le salar d’Uyuni est surprenante par les multiples mirages qu’on aperçoit dès l’abord, collines fantasmatiques sans contact apparent avec le sol et, peu après, cette impression d’immensité parfaitement plane. 10 580 km2 d’un lac salé quadrillé par les marques d’évaporation et qui, en saison humide, noyé sous quelques centimètres d’eau, fait le bonheur de milliers de japonais et le désespoir des chauffeurs qui y sacrifient leur voiture.

Il faut y être en fin d’après midi jusqu’au coucher de soleil et au petit matin dès avant le lever de soleil tant les lumières et les couleurs sont changeantes d’un instant à l’autre.
Au centre du salar « l’île d’Incahuasi » est un agréable promontoire sur le lac, peuplé de cactus géants (Trichocereus pasacana, localement appelés cardòn).

Du salar d’Uyuni à La Paz

Le nord du salar d’Uyuni est une zone sinistrée, progressivement abandonnée par ses habitants, et que seuls des projets touristiques nouveaux pourront sauver. N’hésitez pas à visiter Chantani et son « musée » s’il existe encore ou à dormir à Coquesa où se trouve un bel hôtel chauffé qui vous reposera du sud.
Après une nuit (sans intérêt) à Salinas nous prenons la route du Sajama en passant par le pays Chipaya, 600 km2 parfaitement plats d’une terre salée qu’il faut laver périodiquement pour les cultures. Un paysage extravagant de terres salées et de rivières, marqué par la succession de putukus, petites maisons coniques en adobe. Mais surtout une civilisation extraordinaire, absolument opaque au touriste qui ne sait pas. « L’étranger ne voit que ce qu’il sait » disait Marc Riboud, alors ne partez pas en pays Chipaya sans lire quelques-unes des références notées à la fin de ce texte.
La « route » permet ensuite de visiter quelques sites funéraires préhispaniques intéressants avant d’arriver aux abords du Nevado Sajama, volcan enneigé isolé et majestueux, point culminant de Bolivie à 6542m.
On peut y croiser des camions sans plaque, roulant à des vitesses vertigineuses et pratiquant de la contrebande d’électro-ménager en provenance du Chili. Il faut sans doute une grande sagesse (rémunérée ?) des forces de l’ordre pourtant présentes, pour ne pas repérer ces camions dans une zone aussi plate.
Au pied de ce volcan et de la cordillère occidentale, le parc de Sajama est une belle zone d’élevage de lamas et d’alpagas, riche de nombreux sommets et d’une zone de geysers et de thermes, souvent balayée l’après-midi par des vents violents et glaciaux.
Une très bonne route permet ensuite de rejoindre La Paz en 4 à 5 h sans oublier à Curahuara de Carangas l’arrêt à l’inoubliable « Sixtine de l’Altiplano », église du XVIe siècle entièrement décorée à l’intérieur de fresques peintes par des indigènes.
En fait, l’arrivée à La Paz se fait sur le plateau, à 4150 m, par l’immense ville champignon récente d’El Alto, ville de tous les drames et de tous les succès, presque uniquement peuplée d’indiens…et de bouchons. On découvre alors la stupéfiante cuvette de La Paz. Les services d’immigration à l’aéroport tamponnent systématiquement un visa de 30 jours. Si vous avez besoin d’un peu plus, c’est maintenant qu’il vous faut passer à l’immigration. C’est gratuit, assez rapide et votre visa sera prolongé automatiquement de 30 jours.
Nous n’avons passé qu’une journée à la Paz et gardons un très bon souvenir du magnifique musée ethnographique qui nous semble incontournable, mais aussi le souvenir d’une grande déception au « marché aux sorcières », à notre avis sans intérêt…et vis-à-vis de notre guide locale.

De La Paz au lac Titicaca

Deux heures sur une future belle route, entièrement en travaux lors de notre passage, permettent d’atteindre le site de Tiwanaku, source de 2500 ans de fierté nationale alors que les incas y sont restés à peine plus d’un siècle et les espagnols à peine trois. Le site est magnifique, intéressant et reçoit la visite de nombreux cars scolaires dès le milieu de matinée. Pour la lumière, viser le tout début de matinée. Les deux musées par contre sont tout à fait quelconques et, de surcroit, les photos y sont interdites.
Il n’y a que deux manières de rejoindre Copacabana, continuer la route et passer par le Pérou (environ 100 km mais contraintes diverses) ou bien revenir vers El Alto et prendre la route bolivienne (180 km) qui oblige à prendre les bacs de San Pablo de Tiquina.
Par beau temps, le site de Copacabana évoque tout à fait la Corse mais on est à 3800 m, l’eau peut être fraiche. Attention, tout au long du mois d’août, le très raide Cerro San Cristobal qui domine la ville est le site de pèlerinage de milliers de péruviens et la frontière reste ouverte : logement et sécurité réduits. Tous les jours par contre, matin et après-midi, a lieu la curieuse bénédiction des voitures devant la cathédrale, à ne pas manquer.
Du lac Titicaca on retiendra aussi la magnifique Ile du Soleil (sans voiture) et son splendide chemin des crêtes.
Nous reprenons la route de La Paz et, à mi-chemin bifurquons vers Chunavi et Tuni, petit village à 4500 m au pied du Condoriri qui pratique un tourisme communautaire autour d’un écolodge construit par ses habitants. Même pour nous qui ne pratiquons pas le trek dans les montagnes environnantes, le séjour est un plaisir, l’accueil d’Elias et Victoria est merveilleux de douceur, d’attentions et de partage de leurs activités. Nous les quitterons à regret pour prendre l’avion à El Alto pour Santa Cruz.

Santa Cruz, les missions jésuites et le Chaco

Le vol intérieur est à l’heure et sans problème, mais les hôtesses ne parlent pas anglais. Attention les simples piles sont interdites en soute.
Le contraste est total avec l’altiplano, nous sommes à 400 m et il fait chaud, parfois très chaud, la population, majoritairement métis ou européenne semble plus ouverte et fortement hostile au régime et à « l’immigration » massive d’indiens de l’altiplano.
Nous partons le lendemain matin pour le circuit des missions jésuites (environ 1000 km de bonne route, voir carte dans la partie photos), au milieu d’une région de (très) grandes fermes d’élevage. Les indiens, autorisés par le gouvernement à s’implanter sur les terres peu exploitées sont considérés ici comme des envahisseurs.
Les jésuites restèrent ici à peine plus de 70 ans, de 1691, année de création de la première mission, San Francesco Xavier, à 1767, année de leur expulsion par le roi d’Espagne, mais leur empreinte sur l’aspect et la culture de ces missions perdurent encore aujourd’hui. Pour l’anecdote, les indiens n’avaient le droit de se voir dans des miroirs qu’après leur conversion. Regardez avant le voyage le film « Mission » de R. Joffé (palme d’or à Cannes en 1986) et choisissez un guide qui saura faire vivre cette histoire. Ce circuit de 3 ou 4 jours reste pour nous un souvenir inoubliable de notre voyage en Bolivie.
Il y a dans la région une colonie mennonite qui ne cherche pas le contact avec les touristes.
Nous terminons le voyage dans le parc Kaa Lya, un immense parc dans la zone du Chaco, réputé pour sa très forte densité de jaguars (et d’autres animaux) mais les seuls aménagements du parc l’ont été pour un gazoduc. Le parcours accessible se limite donc à une route de 100 km parfaitement rectiligne, bordée de taillis épais. Il faut donc inlassablement parcourir cette route pour y voir les animaux. Malgré un excellent partenaire local, un vrai effort d’aménagement serait nécessaire pour en faire un parc intéressant.

Quelques conseils

– Nous avons choisi de gérer avec beaucoup de prudence les problèmes d’altitude pour éviter le mal des montagnes et nous avons constaté en croisant de nombreux touristes, que ce n’était pas inutile. Nous sommes donc arrivés à Santa Cruz (416 m) et non à l’aéroport de La Paz (4061 m) puis nous avons construit le voyage sur une montée progressive : jour de semi repos dans les environs de Santa Cruz, jour et nuit à Samaipata (1800 m), route jusqu’à Sucre (2800 m) où nous avons passé 4 jours aux alentours de 3000 m, puis encore 3 jours à Potosi (4100 m) avant d’attaquer l’altiplano. Suivant les conseils locaux, notre seule boisson de petit déjeûner a été l’infusion de feuilles de coca et nous avons veillé à une consommation d’eau suffisante. Nous n’avons souffert d’aucun mal des montagnes, même si le souffle était un peu court en altitude les 10 premiers jours.
– Il fait froid, voire même très froid sur l’altiplano durant l’hiver (août et encore plus juillet), même dans les locaux, et il est prudent de prévoir des vêtements très chauds. Nous avons rencontré en août des températures descendant à -18°C, avec des températures intérieures souvent inférieures à 10°C. La situation peut devenir très désagréable, si en plus le vent se lève (très fréquent l’après-midi autour de Sajama).
– Il peut faire chaud, très chaud dans les basses terres (de plus en plus à partir de fin août) et les températures y étaient fréquemment au-dessus de 30°C.
– Même si la situation du sud est plus difficile, nous avons toujours trouvé assez d’électricité pour recharger nos appareils et un peu de réseau téléphonique ou de wifi pour donner quelques nouvelles. La possession de lampes électriques est néanmoins indispensable.
– Sur tout l’altiplano et dans les vallées, l’attitude de la population amérindienne est plus que réservée vis-à-vis de la photographie. Soyez respectueux de ces réserves, créez le contact avec vos interlocuteurs (ce peut parfois être juste un regard, un sourire qui sollicite une acceptation tout aussi tacite) …ou bien soyez discret. Vous n’êtes pas au zoo.
– Google map est absolument inutile dans une grande partie de la Bolivie. Téléchargez avant de partir l’application OSM AND et la carte de Bolivie qui sont beaucoup plus précises (et fonctionnent hors ligne)

Nos principaux prestataires

Terra Andina

Nous avons construit le voyage avec Terra Andina, filiale de Terra Group, groupe spécialisé dans les destinations d’Amérique du Sud et exerçant depuis une vingtaine d’années.

Les points forts :

– Une logistique quasi parfaite
– Un contenu du voyage correspondant pour l’essentiel à ce qui a été prévu
– Des guides attentifs, compétents et intéressants (sauf une à La Paz)
– Une francophonie réelle
– Un contact avant-vente facile sur des numéros de téléphone français permettant de réels échanges

Les points faibles :

– Une méconnaissance du terrain par les interlocuteurs avant-vente que nous avons eus et qui étaient très nouveaux (apparemment ils sont toujours en place et doivent donc progresser !) qui a rendu la construction du voyage assez complexe. Le guide du sud a d’ailleurs construit lui-même un itinéraire plus réaliste que celui de l’agence.
– Forte mesquinerie dans la gestion des petites modifications du voyage : par exemple nous avons dû payer une journée de guide supplémentaire parce que des manifestations avaient conduit à un décalage d’un jour, augmentant d’une journée la prestation d’un guide et réduisant d’autant celle d’un autre. Rupture de 24 heures entre deux guides consécutifs pour éviter des frais d’hôtel des guides sans que cela ne soit prévu.
– Une disponibilité un peu plus limitée des guides de villes.

Quelques bons souvenirs

Casa Patio Hôtel Boutique à Santa Cruz, un accueil exceptionnel de Manuel et Nicole dans un hôtel de caractère à l’image de ses propriétaires.
Hôtel Guazu à Samaipata et la délicieuse Lina Flores qui en est l’âme.
Restaurant La Taverne, midi et soir, dans la cour de l’Alliance française de Sucre. Une très belle cuisine pour un prix très raisonnable.
Hôtel Mitru à Tupiza, hôtel très agréable.
Hôtel Taika del Desierto, désert de Siloli. Magnifique hôtel bien chauffé dans un endroit qui le mérite.
Hôtel Tambo Coquesa, au bord du Salar d’Uyuni, très bel hôtel bien chauffé (si l’on enlève le thermostat du dessus du radiateur !!!)
Hôtel la Cupula à Copacabana et surtout, son restaurant.
L’accueil au village de Tuni (beaucoup plus discutable à Chunavi !)
Hotel villa Chiquitana à San Jose de chiquitos, tenu par un couple français très impliqué dans la culture locale, fêtes organisées tous les mois.

Deux guides d’exception

Marcello Nina, notre guide de Potosi à La Paz. Il sait tout faire, connait parfaitement le moindre chemin de la région et le monde de l’Altiplano. Il est courageux et efficace, plus à l’aise dans le monde rural que dans la culture et l’histoire : hostaloasissajama@gmail.com site hostal-oasis.com tel 73722394 ou 74083873
Ginelda Jaimes, notre guide dans la région de Santa Cruz et les missions jésuites. Une incroyable capacité à faire vivre ce qu’elle nous montre, une culture sans limites, une relationnel magnifique. gineldaj@hotmail.com Portable 726-36906 fixe 355-8477
Un prestataire très impliqué dans le parc Kaa Lya, Nicks Adventures, qui déploierait sans doute mieux ses talents dans une autre zone.

Quelques références documentaires :

Défense du Cerro Rico (espagnol)

L’activité minière dans le département de Potosi (espagnol)

Sur les réaffectations des concessions hautes du Cerro Rico (espagnol)
La Bolivie déchirée entre exploitation et effondrement du Cerro Rico (espagnol)
Histoire de l’exploitation minière de Potosi (espagnol)
Histoire de l’industrie minière en Bolivie (espagnol)
Boom minier et patrimoine industriel en danger (français)
«La quinoa en Bolivie : une culture ancestrale devenue culture de rente  » bio-équitable « 

Sur le peuple Chipaya :
– Rendez-vous en Terre inconnue chez les Chipayas de Frédéric Lopez avec Gérard Jugnot (1ere diffusion 14 septembre 2010)
– Série d’émissions diffusées sur France Culture : Les usages de la terre, cosmopolitique de la territorialité par Philippe Descola: Emission sur les Chipayas (21 septembre 2017)
Les indiens Uro-Cipaya de Carangas d’Alfred Métraux
Bennassar Bartolomé. Nathan Wachtel, Le retour des ancêtres. Les Indiens Urus de Bolivie, XXe-XVIe siècle. Essai d’histoire régressive. In: Annales.
– Dieux et vampires – Retour à Chipaya(Broché) de Nathan Wachtel éditions du SEUIL 01/01/1992

Liens et ouvrages intéressants :
La bolivie par Christian Rudel KARTHALA Editions, mai 2010
Fiche pays du ministère des affaires étrangères
Histoire de la Bolivie
Histoire de la Bolivie (Wikipedia)
Réflexion récente sur les peuples indigènes de Bolivie
Sophie Blanchard, « Bolivie, de l’autonomie à l’éclatement ? », EchoGéo
Simon Bolivar (Wikipedia)
Histoire généreuse de la Bolivie (Terra Andina)

Guides Bolivie
Si vous recherchez en Bolivie autre chose que le lieu d’exploits sportifs, vous pouvez oublier le guide Lonely Planet inhabituellement pauvre sur cette destination.
Par contre le guide Petit Futé présente une vue assez complète du pays et de ses enjeux.
Le guide du routard est également assez intéressant.