A l’heure où les extrêmes gauches et les nationalistes européens se demandent à haute voix s’il n’est pas inefficace et trop couteux de maintenir les sanctions contre la Russie ou d’armer l’Ukraine, il semble intéressant de se demander ce qu’est vraiment la Russie et quelle attitude on doit adopter à son égard.
Quatre remarques préalables s’imposent :
- Le pouvoir russe a agressé militairement un pays démocratique, membre de l’ONU, dont il avait garanti l’indépendance et l’intégrité territoriale lors de plusieurs traités[1]. Cette agression a pour objectif avoué une annexion-colonisation de l’Ukraine[2]. Le seul autre exemple des 50 dernières années est la colonisation israélienne des territoires palestiniens[3]. Même les Etats-Unis, pourtant très interventionnistes, n’ont pas osé ce type de colonisation.
- L’opinion publique russe, marquée par la misère des années 90 largement attribuée au « libéralisme » par le régime actuel, formée à la dissimulation et la prudence par plusieurs siècles de dictature, marquée par l’omniprésence de la violence, reste peu lisible. Rendue paranoïaque et nostalgique d’un empire passé par une réécriture de l’histoire et une propagande totalitaire qui commence dès la maternelle, elle reste pour une large part sensible au concept de « monde russe », et à la réintégration des peuples de l’étranger proche sans pour autant oser exprimer son sentiment réel. La proclamation de «l’invincibilité » russe, « démontrée » par ses victoires sur Napoléon et Hitler est censée convaincre le peuple de son héroïsme et de son éternelle supériorité tout en proclamant qu’aujourd’hui comme hier la Russie est constamment menacée.
- Le pouvoir russe revenu aux valeurs du stalinisme (patrie, famille, hiérarchie, russification, auxquelles s’ajoute aujourd’hui la religion) encourage et anime depuis une quinzaine d’années la plupart des partis nationalistes occidentaux[4] et finance de nombreux autres partis, tout comme le Komintern[5] de l’URSS animait les partis communistes. Son but avoué est de fracturer l’Occident, et sa méthode est une délégitimation systématique de toute vérité, instillant ainsi dans les populations un soupçon systématique et une porosité accrue aux vérités alternatives.
- Pour sa défense, l’Ukraine montre son courage qui est immense, mais dépend aussi des armements et du soutien des occidentaux. L’alternative est donc simple, poursuivre et amplifier ce soutien jusqu’à une défaite de l’armée russe, quoi qu’il nous en coute (en pulls supplémentaires ou en sobriété !), ou bien abandonner l’Ukraine aux griffes de la Russie renforçant ainsi son sentiment d’invulnérabilité et l’encourageant à s’attaquer au pays suivant. L’argument prétendant que l’aide occidentale prolonge le conflit ne vise qu’à cacher cette réalité simple.