Liberté, j’écris ton NON !

Ça y est. Sous la bannière flamboyante d’extrémistes en tous genres[i], quelques manifestants (0.1% de la population) ont prétendu représenter le peuple aux cris de « pas antivax, juste pro démocratie », « non au chantage vaccinal, pass liberticide » ou « refusons la discrimination ». Les mêmes sans doute qui hurlaient contre le manque de masques et de vaccins avant de refuser de porter les premiers et d’utiliser les seconds, les mêmes qui condamnaient la fermeture des écoles puis proclamaient le risque de leur réouverture tout en demandant celle des boîtes de nuit ou des restaurants, les mêmes qui voyaient une inadmissible discrimination dans la réouverture partielle de certains établissements aux seuls vaccinés et préféraient les voir tous fermés sous prétexte d’égalité. Les mêmes qui proclament avec générosité que limiter la liberté des jeunes pour sauver quelques vieux est inadmissible.

Quand bien même leur vacarme, largement amplifié par les médias et les réseaux sociaux peut tromper, il ne saurait masquer que la démocratie est sans doute mieux représentée par la forte majorité de citoyens favorables à la vaccination ou au pass vaccinal que par cette infime minorité d’agités.

Quant à l’appel à la liberté, la déclaration des droits de l’homme de 1789, reprise dans les constitutions de 1946 et de 1958, indique dans son article 4 que « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi. ».

La liberté n’est donc pas définie comme le fait de pouvoir faire tout ce dont on a envie, mais seulement ce qui ne nuit pas à autrui. Or nul ne peut nier que tout comportement ou discours qui concourt à la poursuite de l’épidémie nuit gravement à autrui, sanitairement et économiquement.

La générosité de notre modèle social pose une autre question : peut-on refuser toute restriction de comportement tout en exigeant d’être soigné gratuitement dans un système de soins renforcé pour faire face à cette irresponsabilité, demander plus d’aides publiques quand le niveau de l’épidémie réduit l’activité, exiger plus d’indemnités quand la crise résultant de la pandémie met en péril l’emploi.

En un mot peut-on revendiquer sa liberté en la faisant payer par les autres ou en laissant aux générations futures et aux pays en développement la faramineuse note de cette irresponsabilité ?

Peut-on, par vanité, par intérêt ou par quelque sombre calcul politique, proclamer d’ignobles contre-vérités sans en assumer les conséquences ? Ce sont bien sûr les populations les plus défavorisées qui sont les plus perméables à ces ignominies et ce sont toujours elles qui en paient l’essentiel du prix[ii].

Faut-il rappeler que les variants les plus dangereux sont apparus dans les pays dirigés par des populistes tenants de cette irresponsable proclamation de liberté, Angleterre de Boris Johnson, Brésil de Jair Bolsonaro ou Inde de Narenda Modi ?

On peut certes céder à ses peurs en refusant de prendre le plus minime risque personnel, débattre de ce qu’il aurait fallu faire depuis des décennies, refuser le plus anodin accommodement avec ses certitudes, confondre opposition politique et attitude sanitaire[iii], crier à la stigmatisation des professionnels soumis à la vaccination obligatoire, répandre les propos de tous les complotistes et autres Cassandre que l’histoire oubliera[iv], s’enfermer dans un stérile ressentiment. Aucune de ces postures n’a jamais résolu aucun problème concret.

Nous sommes aujourd’hui au cœur d’une crise gravissime qui menace le bien être actuel et futur de tous et la seule solution opérationnelle de court terme, hors le confinement, est une vaccination générale accompagnée d’une discipline et d’une responsabilité de chacun. Même les gouvernements les plus inconsistants ont dû en venir là. Au feu, les pompiers jettent de l’eau même si cela cause quelques dégâts collatéraux. Ils discutent ensuite des mesures de prévention et des techniques d’intervention qu’il faudra améliorer.

Alors courage, montrons que notre pays n’est pas une jungle mais un collectif où chacun peut accepter un effort, un compromis, un léger risque ou parfois un minime sacrifice, pour le bien-être collectif. C’est l’essence même de notre « modèle social » développé depuis 1945. Et la protection de ce collectif contre ceux qui le mettent en danger constitue le cœur de toute action gouvernementale.

Quant aux pauvres prétendues victimes de la « dictature »[v], le courage et la lucidité leur impose la seule issue raisonnable, l’émigration vers des régimes plus tolérants à la liberté vaccinale tels que la Russie, le Brésil, l’Inde, le Liban, Madagascar, ou ceux, malheureusement innombrables, dont le peuple meurt en hurlant qu’il voudrait un vaccin.

[i] Entre autres, Florian Philippot, Nicolas Dupont Aignan, Jérôme Rodriguez, François Ruffin, ou Francis Lalanne

[ii] On notera avec intérêt que le taux de vaccination des personnels soignants, malgré une facilité d’accès égale pour tous, est d’autant plus élevé que leur qualification est élevée. Au 31 mai, les taux de vaccinations publiés étaient de 72% pour les médecins, 58% pour les infirmiers et 50% pour les aides-soignants. On pourrait aussi s’interroger sur l’éthique et la responsabilité de soignants porteurs sains contaminant leurs patients.

[iii] Dans ce type de circonstances, on aurait pu espérer que les politiques, les innombrables « autorités », « comités » et autres « commissions », les syndicats, ONG et autres lobbyistes soient plus sensibles à l’intérêt général qu’à leur positionnement stratégique.

[iv] On relira avec délectation les Cassandre qui lancèrent des frondes depuis plus de deux siècles contre les vaccinations contre la variole, la rage, la tuberculose, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite ….

[v] Ne parlons pas des abrutis qui ont scandaleusement évoqué la Shoah

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