Une mauvaise brise marine soulève la vague

La vague monte, inexorablement, dans les pays démocratiques, et pas seulement en France.
La vague monte, et pas seulement quand de velléitaires gouvernements de gauche sont au pouvoir.
La vague monte, et pas seulement quand le chômage fait des ravages.
Elle monte silencieusement dans les pays à système électoral proportionnel, attendant d’être indispensable à la constitution d’une coalition pour lui imposer ses diktats. Elle s’impose par à-coups brutaux dans un pays à scrutin majoritaire.
Elle apparait, sous des formes diverses, lorsque les peuples ont peur, du présent, de l’avenir, des voisins, du déclassement….et qu’ils n’ont plus foi en leurs élites.
Et elle reflue lorsqu’elle a commis suffisamment de dégâts pour que les peuples recouvrent leur lucidité.
Alors ?
Alors, le monde occidental a connu d’immenses augmentations de niveau de vie au XXe siècle ( voir article « Inéluctable progrès ») et, depuis 40 ans, ce mouvement s’essouffle.
Il s’essouffle parce que le reste du monde souhaite connaitre maintenant la même progression, qu’il sait fabriquer aujourd’hui ce que nous ne lui vendons plus, et qu’il sait produire, et de plus en plus concevoir, moins cher que nous, ce que nous consommons. C’est désagréable mais c’est ainsi et nous ne pouvons plus être la noblesse du monde, attendant avec dédain dans une forteresse une révolution du tiers état mondial.
Il s’essouffle parce que notre niveau de vie.[1], notre confort, nos systèmes de protection, nos bassesses et nos égoïsmes cultivés par le discours lénifiant de nos élites nous ont endormis [2]. Et que nous avons perdu la force, la volonté et le goût du risque qu’ont aujourd‘hui beaucoup de nos compétiteurs, développés ou non.
Il s’essouffle parce que nos élites de tous bords, au lieu d’inventer et de proposer un futur qui tienne compte de la réalité, s’enferrent avec constance dans la promesse imbécile du mirage d’une société d’augmentation du pouvoir d’achat et de plein emploi où les temps de loisirs, de retraite et d’études augmenteraient indéfiniment ; promesse qu’ils ne tiennent d’ailleurs pas malgré un déficit abyssal des finances publiques qui masque l’essentiel de la réalité [3].
Nous pouvons continuer ainsi, rejetant les fautes sur l’Europe, l’Euro, la gauche, la droite, le grand capital, la Chine, le pétrole, les russes, les impôts, les autres…Nous pouvons sans problème devenir la Grèce de demain, peut-être l’Egypte d’après-demain, rêvant dans sa misère, de son glorieux passé. En cette époque de Noël, nous pouvons même céder aux sirènes des démagogues et nationalistes de tous poils et rêver de devenir un glorieux village gaulois prospère dans son fier isolement.
Mais nous pouvons aussi ouvrir les yeux, regarder le monde tel qu’il est, constater l’énergie de nos concurrents, observer comment le progrès technique a réduit la taille du monde, admettre qu’une France en déclin et impécunieuse, n’a plus d’indépendance véritable, et guère d’audience dans le concert des nations.
Alors nous verrons peut-être qu’il n’existe qu’une voie, difficile et exigeante : l’effort de chacun, un peu plus de tolérance et de fraternité, un vrai projet de société et l’union dans une Europe démocratique, claire sur ses valeurs et son modèle (ce qui, n’est pas le cas actuellement), partageant les efforts et parlant d’une voix unique. Une Europe dans laquelle les mêmes dirigeants qui votent les mesures à Bruxelles ne viennent pas ensuite les contester devant leurs électeurs, une Europe qui unifie ses lois et sa fiscalité pour éviter un dumping idiot, une Europe avec une diplomatie, une sécurité et une défense uniques, une Europe assez forte pour maintenir un modèle social partagé, une Europe assez forte pour nous proposer un futur, prospère mais pas uniquement matérialiste, une Europe peut être réduite au début aux nations qui veulent et sont capables d’y entrer [4].
Pour ma part, je ne veux plus entendre d’homme politique acceptant le jeu des medias limitant son propos à ses seules tactiques sans autre projet, vilipendant ses adversaires au lieu de proposer et reportant les fautes sur les autres. Quand je vais au restaurant, j’attends que dans un climat et un cadre agréables, on me serve une bonne cuisine qui ne me rende pas malade le lendemain, je n’attends pas que le patron m’expose ses méthodes marketing pour attirer des clients, ni qu’il se répande sur ses concurrents.
Nous avons de grands partis en France. Sont-ils capables de nous proposer un modèle de société stimulant, pragmatique, réaliste, prenant en compte toute la population et pas seulement leur clientèle, d’en faire la pédagogie, et s’ils réussissent de le mettre en œuvre au profit de tous ?
Si oui, la vague refluera. Si non, ces partis sont inutiles.

[1] Dont nous n’avons plus guère conscience, mais le niveau de vie d’un bénéficiaire du RSA français est très largement supérieur à celui de milliards d’êtres humains de pays en voie de développement.

[2] Pour être caricatural, la gauche, surtout extrême, anesthésie les plus faibles, dès l’école primaire, en leur expliquant que leur insuccès est lié à leur handicap social et à la violence d’une droite assujettie au capital leur refusant les moyens de toute chance de succès. La droite explique aux plus forts que leur démobilisation et leur inefficacité sociale est la conséquence normale de l’incurie de la gauche. Les deux ne tombent d’accord qu’en déversant des milliards, bien inefficaces, de secours, aides, exemptions ou subventions à leur clientèle.

[3] La dette publique est passée en 30 ans, de 29% du PIB en 1985 à 100% aujourd’hui, ce qui représente 2.36% de croissance factice par an, uniquement financée par de la dette (source INSEE) sans compter les engagements hors bilans (retraites non financées, garanties…), sans doute d’un montant voisin. Et ce alors que le taux de prélèvement obligatoire, sur la même période a continué à monter. Et certains parlent d’austérité!

[4] Une première condition indispensable est sans doute que toutes les élections importantes aient lieu à la même date dans les pays de cette union, évitant ainsi l’insupportable démagogie d’une période électorale permanente.