Quelques jours à Fez (ou Fes)

La Medina et sa vie.
Si l’on vous présente Fez comme une ville impériale, n’en croyez rien. Vous auriez une image bien éloignée de ce que vous pourrez réellement y voir.
Alors mettons les choses au point tout de suite : Fez est, d’abord, le royaume des chats. Ils sont, dans la Medina, des milliers qui semblent dans la journée se contenter de surveiller d’un œil endormi et discret les activités humaines. Mais ne vous y trompez pas. Dès le crépuscule ils affichent leur suzeraineté , signifiant aux enfants et aux adultes qu’il est temps de se coucher et de leur rendre leur royaume. Ils règnent sur la nuit, se distribuant la moindre ruelle, la plus petite impasse et montrant leur vive réprobation aux rares noctambules qui osent leur disputer la rue. Ils commencent alors une tâche écologique immense : vérifier qu’aucune substance comestible ne figure dans les ordures que les habitants déposent le soir dans les rues. Et cette tâche ne se termine qu’à l’aube lorsque les employés d’Ozone et leurs ânes apparaissent au portes de la Medina. Alors les chats confient aux humains leur royaume pour la journée et reprennent leur vigilante surveillance.
Peu après, la Medina devient le royaume des artisans. Ils sont eux aussi des milliers qui rejoignent d’improbables postes de travail, dans les coins et les plus infimes recoins d’un bâti incompréhensible au profane. Chacun maitrise un geste immémorial qu’il tient se son père qui lui-même…..Les métiers sont innombrables, hyperspécialisés et c’est un émerveillement de voir avec quelle concentration et quelle précision travaillent tous ces hommes (l’artisanat n’est pas un métier de femme dans la Medina) même si de nombreuses questions viennent à l’esprit, relatives au contexte économique et au devenir de ces métiers.
Les potiers ont été déménagés à l’extérieur de la Medina, parce que leurs fours créaient des pollutions incompatibles avec les exigences du présent. La quasi-totalité des tanneries (près de 60) ont adopté des techniques plus modernes et plus polluantes et ont, elles aussi, quitté la Medina n’y laissant que trois d’entre elles qui conservent des techniques traditionnelles et laissent aux yeux et aux narines des touristes des souvenirs impérissables.
Enfin les marchands arrivent et ouvrent peu à peu leurs échoppes. Quelques rues (sur les 9600 de la Medina) y concentrent les objets pour touristes mais la plupart de ces boutiques sont destinées aux habitants de la Medina et de la région. On peut tout y trouver et si l’on ne trouve pas seul, il y aura toujours une bonne âme qui connait quelqu’un qui vous le trouvera.
Alors la Medina devient elle-même, une ruche bourdonnante où se bousculent innombrables, marchands, chalands, ménagères, ânes ou charrettes de livraison et écoliers à certaines heures. Pour le bonheur de tous l’étroitesse des rues y interdit à tout jamais automobiles et camions et le seul vrai danger est constitué pour les tibias par les angles vifs des carénages des charrettes.
Rien n’est pratique dans la Medina, les logements y sont exigus et d’un confort sommaire, les bâtiments souvent en péril, l’hygiène rudimentaire, les ruelles si étroites que tout doit être fait à la main : déménagements, livraisons, travaux……Mais c’est un cocon entouré de remparts qui protège et distingue ses 100000 habitants et que bien peu souhaitent quitter tant le sentiment d’appartenance les rassemble.
Il y aussi des touristes, sans doute beaucoup d’après les statistiques, mais si concentrés en quelques points qu’ils sont pratiquement invisibles dans 90% de la Medina. Fes est une ville touristique, mais ce n’est pas un parc d’attraction comme le sont devenues certaines villes au Maroc ou ailleurs.

Un œil plus large
Pour voir d’un peu plus haut, Fez est une ville divisée en quatre :
– La Medina dont nous venons de parler,
– Fez El Jedid, séparée de la Medina par un joli jardin, et constitué à 80% d’un palais royal en activité dont même les portes ne peuvent être prises en photos. Le reste de cette ville comprend un quartier marchand type Medina (El Jedid) et le Mellah, ancien quartier juif dont l’atmosphère est peu différente du précédent si ce n’est par le style des constructions et la présence d’une synagogue désaffectée et d’un cimetière juif.
– La ville nouvelle, classique et belle grande ville nord-africaine avec ses avenues au cordeau bordées d’arbres qui ne présente guère d’intérêt pour un touriste européen.
– Les banlieues modernes construites tout autour de ces trois zones et qui semblent d’un niveau urbanistique bien supérieur à ce qu’offrent de nombreuses villes africaines.
Comme nous l’avons vu, les déplacements dans la Medina et Fez el-Jedid se font à pied et vous n’avez aucun risque de vous perdre, il suffira de demander à n’importe quel commerçant votre route pour qu’il vous l’indique gentiment.
Si le chemin vous parait un peu long, dirigez-vous vers la porte la plus proche. Il vous suffira de héler n’importe quel « petit taxi » rouge et, pour une somme qui ne dépasse pratiquement jamais 1€, il vous conduira en n’importe quel point des quatre zones de la ville (ces petits taxis rouge n’ont pas le droit de sortir de la ville). Pour l’extérieur, il faut prendre les grands taxis blancs (plus chers), les bus ou grands taxis (plus compliqués), le train (idéal pour Meknes) ou louer une voiture.

Les monuments
Si vous êtes un fanatique des monuments historiques, Fez vous frustrera. Les plus beaux monuments sont en effet interdits de visite : les mosquées et mausolées parce que le Maréchal Lyautey en interdit l’entrée aux non musulmans au début du XXème siècle et que cette règle est restée, les palais royaux parce qu’ils sont toujours en activité. Il vous restera les remparts de la Medina, les tombeaux des Mérinides plus remarquables par le site et l’imaginaire qu’ils portent que par les tombeaux eux-mêmes, les magnifiques Médersa désaffectées (écoles de théologie) et le Fondouk Nejjarine, magnifiquement restauré en musée des arts et métiers du bois. Vous pourrez fantasmer un peu sur le luxe d’antan en visitant le palais Mokri maintenu à peu près par les descendants actuels de son bâtisseur et le Palais Glaoui qui se meurt malgré l’attention passionnée d’un gardien haut en couleur, et peintre original de surcroit. Mais ce palais appartenait à l’homme qui obtint en 1953 des autorités françaises du protectorat, l’exil de Mohammed V, grand père du roi actuel. Y-a-t-il un lien avec la déshérence actuelle de ce palais ?

Les points forts
Fez est une ville bienveillante au touriste respectueux et vous pourrez vous y promener sans difficultés, pouvant compter à tout instant sur la bienveillance et l’aide de ses habitants.
Bien sûr quelques-uns espéreront vous soutirer quelques euros en échange de leurs services, mais si vous indiquez tout de suite, avec le sourire, que vous n’attendez aucun service en dehors du renseignement demandé, bien peu insisteront et il ne suffira alors que d’un peu de fermeté pour mettre un terme au débat.

Les autres
Le problème est un peu plus compliqué avec ce que nous appellerons globalement l’industrie touristique qui rassemble les marchands d’objets destinés aux touristes, les guides officiels ou quasi officiels et les personnels des établissements hôteliers. Le problème est simple : le touriste européen a un pouvoir d’achat et des références de prix très supérieurs à la réalité des prix marocains. De plus il est en général pressé. On peut donc lui vendre à peu près tout à des prix considérablement supérieurs aux prix normaux et tous les intervenants de la chaine veulent leur part du gâteau.
Les marchands ont une habileté diabolique et un petit nombre de ceux qui sont proches des hotspots touristiques (tanneries surtout et globalement les abords des deux grandes rues Talaa Kebira Talla Seghira) peuvent avoir une certaine agressivité . Ne comptez pas sur la majorité des guides pour vous aider, ils sont commissionnés par ces marchands, jalousés par la population en raison de leurs revenus élevés et ne peuvent sortir du système sans risques de représailles. Malgré leur culuture (réelle), beaucoup s’enferment également dans leurs habitudes sans beaucoup d’attention pour les désirs des clients.
Alors si vous avez un peu de temps, prenez un guide du type Routard, Lonely planet, Michelin ou guide bleu selon vos préoccupations et faites confiance à votre flair. Si vous voulez voir des endroits peu touristiques, faites-vous accompagner par un marocain qui vous inspire confiance, à qui vous expliquerez clairement ce que vous voulez et combien vous lui donnerez en fin de prestation s’il vous satisfait (pensez-juste que le salaire d’un tanneur est aux environs de 120 dirhams par jour). Même s’il est un peu « ficelle » vous approcherez à peu de frais la réalité de la Medina.
La photo : Le rapport à la photo est un peu compliqué dans la Medina, alors soyez patients, demandez, refusez bien entendu de verser quoi que ce soit au photographié et si vous n’obtenez pas l’autorisation espérée, passez à un autre sujet, sortez des zones les plus touristiques, tout deviendra beaucoup plus facile. Mais, même dans des endroits très touristiques vous aurez de bonnes surprises, telle que le portier d’une mosquée qui prend votre appareil pour aller faire pour vous une photo que vous ne pouvez pas faire.
La photo encore : Il est par contre bien plus surprenant que l’on en soit encore à interdire les photos des palais royaux ou de certains musées

Les environs
N’hésitez pas à louer une voiture pour faire un tour dans les environs. Il y a des trésors à quelques dizaines de kilomètres de Fez et vos y rencontrerez un naturel et une gentillesse encore supérieurs.
Allez voir Imouzzer Kandar, ses habitations troglodytes et ses champs de fleur, Ifrane, son atmosphère de station alpine et ses cigognes, Azrou, son artisanat (moitié moins chez qu’à Fez), ses forêts de cèdres et ses singes magots.
Allez voir Bhalil, ses femmes voilées de blanc, ses habitations troglodytes en sous-sol des maisons, ses immenses carrières.
Ne manquez pas Sefrou, sa medina, son quartier juif, ses cascades et ses artisans, même si la ville mériterait un petit effort de nettoyage et de réhabilitation. Mais les instigateurs de l’attentat de 1972 contre Hassan 2 venaient de Sefrou et la ville a un peu été négligée jusqu’au pardon récemment accordé par Mohammed VI.
Allez voir la petite station de Moulay Yacoub au flan de sa colline. Vous pourrez y sentir l’atmosphère bon enfant d’une petite station, vous y prélasser dans les termes anciens et populaires du village ou dans le luxueux et irréprochable établissement construit en contrebas. Vous pourrez y terminer votre séjour par l’un des tajines authentiques des guinguettes locales.
Allez en train (45 minutes) à Meknès, autre ville impériale plus riche que Fez en monuments, mais sans doute plus marquée par le tourisme, peut-être à cause de sa grande pace el-Hedime.

Quelques Adresses
Cette liste n’a pas la prétention d’un guide, elle ne cite que quelques établissements que nous avons essayés et qui nous ont satisfait, ou pas. Pour les plus connus, vous trouverez les adresses sans difficultés. Pour les autres, nous les avons indiquées.

Location de voitures : touring car, 365 Bd Mohammed V dans la ville nouvelle. La boutique ne paye pas de mine, mais les voitures sont impeccables, le service sans surprise, les prix sensiblement inférieurs aux grandes compagnies et le Gérant Fouad Mikou est un homme adorable et passionnant qui a suffisamment voyagé pour pouvoir vous aider.

Dar el Ghalia : un très beau restaurant dans le haut de la medina. Une exceptionnelle cuisine classique marocaine où chaque plat a une réelle personnalité avec une carte (ce qui est rare, beaucoup de restaurants imposent un menu complet).

Riad Layla : un beau riad, magnifiquement restauré avec 6 très jolies chambres décorées avec goût où l’esthétique l’emporte quelquefois sur le fonctionnel, un accueil chaleureux de Iolanda, une très bonne cuisine servie sur la terrasse. Une seule petite fausse note, nous avons payé en totalité les taxis de et pour l’aéroport alors qu’amis et relations le partageaient.

Fez-Café, le Jardins des Biehn : si la cuisine purement marocaine vous lasse un peu, une bonne cuisine un peu plus variée

Chez Thami : une petite gargotte en haut de Talaâ sghira, sur la jonction avec Talaâ Kebira, tout près de la porte Boujloud. Très bel accueil et cuisine simple et savoureuse à de prix très compétitifs.

Restaurant Nejjarine : Très beau cadre pour une cuisine marocaine de bon niveau. Service souriant et convivial

Dar Al Bathae : Dans un joli cadre, une cuisine sans personnalité pour un prix supérieur à celui de Dar el Ghalia. N’hésitez pas, retournez chez dar el Ghalia.

Tissages Berbères : Très bel accueil de Mohammed qui vous aidera dans le quartier difficiles des tanneries Chouara. Très beaux produits. Le charme de Mohammed peut parfois vous conduire à accepter des prix un peu élevés

Boutiques de produits en cuir possédant des terrasses dominant les tanneries Chouara. Un accueil agréable, des vues intéressantes, mais des prix souvent astronomiques (surtout les terrasses Nord) adaptés aux groupes qui visitent Fès en trois heures. Vous ne serez pas embêtés très longtemps car les vendeurs ont des objectifs et ne passent pas une heure avec un client difficile.

Sefrou : ne manquez sous aucun prétexte Zaccharia Nasseri (00212)663425644 naceri_zakaria@yahoo.fr). Il pourra vous faire visiter (et aimer) sa ville et ses environs ou vous organiser des randonnées dans les environs. Un guide peu conventionnel mais charmeur à la personnalité exceptionnelle, attachante qui pourra aussi vous parler de sa ville, des montagnes, des artisans, des habitants que des innombrables livres qu’il a lus, n’hésitez pas.

Une réflexion sur « Quelques jours à Fez (ou Fes) »

  1. j’ai fait un beau voyage gràce à ces belles photos il ne me manquait que l’odeur ! je sais maintenant que « bab » veut dire porte !
    merci donc pour celles et ceux « qui restent » !

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