La démocratie c’est quand on gagne

Onze candidats ont choisi de tenter de convaincre le peuple français en participant à des élections dont ils ont accepté les règles.
A l’issue d’un scrutin dont aucun n’a dénoncé quelque irrégularité significative, le peuple français s’est exprimé.
Il a éliminé la droite de gouvernement parce qu’elle avait oublié que l’efficacité économique ne peut se construire sans un peu de justice sociale.
Il a éliminé les gauches parce qu’elles avaient oublié que la justice sociale ne peut se construire sans un minimum de réalisme et d’efficacité économique.
Il a éliminé les deux parce que toutes s’enfermaient dans des querelles internes intolérables plutôt que de s’intéresser aux problèmes réels.
Dans un climat certes hystérisé et exacerbé par des médias qui préfèrent le spectacle, l’anecdote et le pugilat au débat, à la réflexion et à la construction, il a retenu une candidate d’extrême droite et un candidat de centre gauche. On peut comprendre que les battus soient déçus mais le peuple a voté et notre Constitution, adoptée en son temps à une large majorité et constamment confirmée depuis, prévoit que le choix se fera entre ces deux candidats.
Peut-on alors comprendre que des politiciens « démocrates » ayant accepté les règles de l’élection et déniant ainsi brutalement l’intelligence et la légitimité du peuple, s’abstiennent ou votent blanc sous le seul prétexte qu’ils ont été battus ?
Comment une partie de la droite gouvernementale et l’extrême gauche peuvent-elles prôner ce choix et confondre l’extrême droite et le centre gauche reniant ainsi toutes leurs valeurs ?
La démocratie n’est-elle tolérable que lorsque le peuple vous   choisit ? Faut-il, comme dans tant de pays la désavouer dès que le peuple vous écarte ? Faut-il enfin renier toutes vos leçons de morale pour d’obscures et fumeuses tactiques électorales ? Vous pensez que vos succès futurs nécessitent ce déshonneur passager. L’histoire retiendra le déshonneur et vous n’aurez pas le succès.
De grâce, reprenez-vous.
Sans même se pencher sur les théories qu’ils professent, il suffit de regarder comment les gouvernements d’extrême droite[1]
s’efforcent de mettre fin à la démocratie dès qu’ils sont élus, en muselant la justice, leurs parlements, leurs opposants et la presse, pour comprendre la mécanique éternelle de leur prise de pouvoir : parler au peuple contre les élites, l’étranger ou les exploiteurs… monter les communautés les unes contre les autres, utiliser des coups d’éclat pour marquer l’opinion, dénoncer des complots quand les faits ne leur donnent pas raison, promettre la lune, masquer ses véritables desseins sous des tombereaux de sollicitude et de câlins… avant de confisquer le pouvoir et d’entraîner leurs peuples dans d’effroyables aventures.
Rappelez-vous que la mère-grand du conte « fit promettre au Petit Chaperon Rouge de ne plus jamais parler à aucun loup,  même s’il avait l’air très gentil ».

Certes le candidat de centre gauche n’est sans doute pas l’idéal des éliminés, ni peut-être même de ses électeurs. Mais il semble au moins assuré qu’il ne reniera pas la démocratie, et qu’il restera des élections législatives, et bien d’autres ensuite, à tous les battus pour tenter de convaincre le peuple de revenir sur ses choix.
Alors ? Bonnet Blanc et Blanc Bonnet ? Faut-il que vous ayez si peu de confiance dans la sagesse du peuple et dans vos propres capacités à convaincre pour n’avoir pas le courage de dire l’évidence : il existe le choix du déshonneur et celui de la République. Ce choix vous engage.

[1] Il faut bien constater qu’il s’agit souvent là d’un point commun avec l’extrême gauche.